Tout ce qu’il faut savoir sur la réserve héréditaire
Qu’est-ce que la réserve héréditaire ?
Lorsqu’une personne décède, son patrimoine est immédiatement transmis à ses héritiers.
Ce patrimoine se divise en deux parties : la réserve héréditaire, soit la portion minimale dont les héritiers réservataires pourront se saisir, qu’il s’agisse de ses enfants ou de son conjoint survivant en l’absence de descendants directs, l’autre étant la quotité disponible, soit la partie dont le défunt a pu disposer de son vivant par donation ou dans le cadre d’un testament.
La réserve héréditaire est d’ordre public, ce qui signifie qu’il n’est pas possible de « déshériter » ceux qui y ont droit. Sauf exceptions, les héritiers réservataires pourront toujours se partager cette partie du patrimoine successoral.
Cependant, l’héritier réservataire peut choisir, au moment de l’ouverture de la succession, s’il souhaite hériter ou non, et donc bénéficier de la réserve héréditaire lui étant destinée.
Ainsi, cette réserve exerce deux fonctions : la protection des héritiers réservataires envers les tiers, mais également l’égalité des droits entre les héritiers.
Réserve héréditaire en présence de descendants
Depuis la loi du 23 juin 2006, seul le lien de filiation entre le défunt et ses descendants ouvre le droit à la réserve héréditaire.
Dès lors qu’il y a des enfants, ces derniers seront les seuls héritiers réservataires.
Entre autres, le descendant ne sera héritier réservataire que s’il ne renonce pas à sa vocation successorale et s’il n’est pas frappé d’indignité successorale. La réserve se calcule avec la réunion fictive de tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au moment de sa mort.
Réserve héréditaire en l’absence de descendants
La loi française reconnaît au conjoint survivant une réserve représentant le quart de la succession de manière systématique du moment qu’il n’existe pas de descendant.
Peu importe si les époux sont séparés de fait ou de corps, ou même en instance divorce, tant qu’ils sont mariés, si l’un des époux décède avant l’autre, le conjoint survivant est un héritier réservataire.
En outre, il devra également remplir les mêmes conditions que les descendants pour être réservataire, à savoir : ne pas être frappé d’indignité successorale et accepter la succession.
Qu’est-ce que la quotité disponible ?
Selon le Code civil, la quotité disponible correspond à la partie du patrimoine successoral dont le défunt a pu disposer librement avant son décès, par l’intermédiaire d’une donation ou d’un testament.
La taille de la quotité disponible varie selon le nombre de descendants successibles, comme il a été explicité plus tôt.
En outre, cette quotité disponible vient limiter les libéralités effectuées par le disposant.
Si ce dernier choisit de disposer de ses biens envers des héritiers autres que réservataires dans une quantité excédant la part de quotité disponible, cela portera atteinte à la réserve héréditaire.
Dès lors, les héritiers réservataires pourront agir afin de voir ces libéralités réduites et de protéger leur réserve.
Renonciation anticipée à la réserve héréditaire
Par principe, les pactes sur les successions futures sont interdits. Cela signifie qu’il n’est pas possible d’accepter ou de renoncer par avance à une succession ou de conclure toute convention ayant pour objet les droits successoraux d’une succession future.
En revanche, le Code civil prévoit la possibilité pour les héritiers réservataires de renoncer, par anticipation, à la protection de leur réserve héréditaire.
La renonciation consentie par un héritier réservataire lui permet, dans le cadre du règlement d’une succession future, de renoncer à effectuer une action en réduction des libéralités excessives qui pourraient porter atteinte à sa part de réserve.
Cependant, il s’agit d’une véritable atteinte aux droits de l’héritier réservataire, c’est pourquoi elle n’est acceptée que sous certaines conditions : que cette renonciation soit faite au profit d’une ou plusieurs personnes déterminées, mais également que l’acte portant renonciation soit passé en la forme authentique devant deux notaires.
Pacte de famille et stratégie patrimoniale
Le pacte de famille est un mécanisme permettant d’organiser et de faciliter la transmission du patrimoine dans le cadre d’une succession.
Il s’agit, le plus souvent, d’un arrangement convenu entre les futurs héritiers afin que certains renoncent par anticipation à leurs droits sous certaines conditions, par exemple le versement d’une soulte.
Auparavant, ce genre d’arrangements était automatiquement annulé par les juridictions, mais depuis 2006 et l’admission de nouveaux types de libéralités, la mise en place des pactes de famille est plus largement admise.
D’autres stratégies peuvent être adoptées pour organiser le déroulement d’une succession en amont de son ouverture, comme la gratification d’une donation-partage transgénérationnelle entre un grand-parent et un petit-enfant d’une même souche, et ce, avec nécessairement l’accord du descendant de la génération intermédiaire.
En consentant à cette donation, l’héritier intermédiaire renonce à une action en réduction de la libéralité effectuée du grand-parent au petit-enfant, si jamais cette dernière venait à porter atteinte à sa réserve héréditaire.
Seuls les héritiers réservataires n’étant pas inclus dans cette donation-partage auront la possibilité d’exercer une action en réduction spéciale une fois la succession ouverte.
Ce type de stratégie est le plus couramment utilisé lorsqu’il s’agit de transmettre une société, un patrimoine professionnel et qu’on dispose d’un patrimoine conséquent.
Qui sont les héritiers réservataires ?
Droits des descendants et du survivant
Tous les enfants du défunt, issus du mariage ou non, mais également les enfants adoptés par lui sont considérés comme des héritiers réservataires.
Comme il a déjà été précisé, chaque descendant aura le droit à une part minimum dans le patrimoine successoral grâce à la réserve héréditaire.
En outre, dans le cas où ils constateraient une atteinte dans leurs droits, ils disposent d’une action en réduction des libéralités excessives, que nous abordons ci-dessous.
Le conjoint survivant bénéficie également de droits qui lui sont propres. En effet, il dispose d’un droit d’option selon la situation dans laquelle il se trouve.
Le Code civil prévoit deux types de situations qui peuvent se présenter au conjoint survivant lors du décès de son époux.
En premier lieu, si le défunt n’avait pas d’enfant, alors son conjoint survivant serait considéré comme héritier réservataire pour le quart du patrimoine successoral.
En second lieu, s’il avait un ou des enfants communs, l’époux survivant serait confronté à un choix : c’est ce qu’on appelle le droit d’option.
Le conjoint survivant devra alors choisir s’il hérite de l’usufruit de la totalité des biens de son époux, ou du quart en pleine propriété de ce patrimoine.
L’usufruit de la totalité des biens est généralement l’option choisie par les conjoints survivants, puisqu’elle leur permet de jouir des biens compris dans la succession, notamment les biens communs, jusqu’à leur décès.
Les enfants du défunt obtiennent alors la nue-propriété de ces biens, de sorte qu’au décès du conjoint survivant et par effet de réunion, ils en posséderont la pleine propriété.
L’époux survivant bénéfice d’autres droits. S’il occupait, au moment du décès de son époux, un bien immobilier commun ou personnel à son époux, il a le droit de l’occuper gratuitement pendant un an mais aussi d’utiliser le mobilier garnissant le logement.
En outre, si le logement était une location ou un bien indivis appartenant au défunt, les loyers ou l’indemnité d’occupation seront remboursés par la succession au fur et à mesure de l’année.
Enfin, et sauf volonté contraire expresse du défunt, le conjoint survivant qui occupait un bien immobilier commun aux époux ou personnel à son époux pourra, jusqu’à son décès, occuper ce bien grâce au droit d’habitation. Il bénéficiera également d’un droit d’usage sur le mobilier garnissant le logement.
Cas particuliers et exclusions
Dans certains cas, l’héritier réservataire peut perdre sa qualité, notamment en cas de renonciation à la succession ou d’indignité successorale.
La manière la plus simple pour un héritier de perdre sa qualité est de renoncer à la succession. Lorsque l’héritier fait part de cette volonté au notaire chargé de la succession, il ne sera plus pris en compte dans le cadre du calcul de la réserve héréditaire et les droits auxquels il aurait pu prétendre seront repartagés entre les autres héritiers.
La déclaration de renonciation doit être adressée au greffe du Tribunal Judiciaire du dernier domicile du défunt.
Dans un autre registre, l’indignité successorale est un mécanisme qui sanctionne l’héritier ayant été condamné d’un crime ou d’une tentative de crime à l’égard du défunt : homicide volontaire ou violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Dans ces deux cas, les descendants de l’héritier pourront recevoir la partie de la succession destinée à leur ascendant grâce au mécanisme de la représentation.
Comment est calculée la réserve héréditaire ?
Répartition entre les héritiers réservataires
Chaque enfant du défunt, si tenté qu’un lien de filiation soit établi, est un héritier réservataire.
Selon le nombre de descendants, la réserve héréditaire représentera la moitié du patrimoine successoral si le défunt avait un enfant, le tiers s’il existe deux enfants ou le quart s’il avait trois enfants ou plus pour constituer la réserve héréditaire. L’autre partie est la quotité disponible.
En outre, la présence d’un conjoint survivant n’influence pas sur le calcul de la proportion de la réserve héréditaire des descendants.
Limites et exceptions de la réserve héréditaire
Les avantages matrimoniaux sont des avantages que les époux peuvent tirer des clauses du contrat de mariage.
Il existe deux types d’avantages matrimoniaux : ceux qui prennent effet pendant le mariage, et ceux qui prennent effet à la dissolution du mariage, notamment en cas de décès d’un des époux.
La gratification d’un avantage matrimonial entre des époux peut être susceptible de porter atteinte à la réserve des enfants.
C’est le cas lorsqu’un époux a été gratifié d’une donation par l’autre sous la forme d’un droit viager sur la résidence principale du couple qui est un bien propre au donateur.
Dans cette mesure, cette donation entre époux peut-être constitutive d’une atteinte aux droits des enfants héritiers réservataires, puisqu’ils n’auront pas la pleine propriété de ce bien dépendant de la succession, et selon les calculs cela pourra atteindre leurs droits.
Action en réduction de donations excessives
Protection des droits des héritiers réservataires
Il n’est pas rare que dans certaines successions, la réserve héréditaire des enfants soit atteinte lorsque le défunt a, précédemment à son décès, disposé de certains biens par donation ou au travers de son testament.
La réserve héréditaire étant d’ordre public, une atteinte à cette dernière sera forcément sanctionnée à l’aide d’une action en réduction des libéralités excessives.
Cette action en réduction peut être exercée par un héritier réservataire envers un autre, ou envers le bénéficiaire d’une libéralité. L’action en réduction peut être demandée au notaire chargé de la succession si elle est acceptée par tous. Votre avocat joue, alors, un rôle crucial dans la négociation afin d’obtenir un accord quant à cette réduction. Sans accord, il sera nécessaire de saisir le Tribunal Judiciaire afin d’obtenir gain de cause.
Procédure et délais de prescription
L’action en réduction des dispositions entre vifs est ouverte aux héritiers réservataires, mais aussi à leurs propres héritiers et ayants cause, c’est-à-dire ceux ayant reçu un droit d’un héritier.
Il faut également savoir qu’il est du devoir de conseil du notaire d’informer les héritiers réservataires lorsqu’il réalise que leurs droits sont susceptibles d’être atteints par une ou des libéralités effectuées par le défunt.
Ainsi, avant que les opérations de partage ne puissent avoir lieu, les héritiers réservataires auront la possibilité d’exercer cette action.
Il est possible de savoir si une libéralité est excessive en comptabilisant fictivement tous les biens dont le défunt disposait au moment de son décès.
Avant toute attribution dans le cadre de la réserve héréditaire, les libéralités effectuées par le défunt seront retirées en premier de la masse fictive, en commençant par les legs testamentaires, puis par les donations, de la plus récente à la plus ancienne.
Dès lors, il est assez simple de constater l’atteinte à la réserve héréditaire lorsque les libéralités excèdent la valeur de la quotité disponible.
Le délai de prescription de l’action en réduction est de 5 ans à compter de l’ouverture de la succession, ou de 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais dépasser 10 ans après le décès.
Lorsque le ou les héritiers réservataires lésés agissent afin d’obtenir la réduction des libéralités excessives, le gratifié en cause devra les indemniser à hauteur de l’excès constaté.
Il peut également choisir de retourner le bien dont il a été gratifié à la succession, s’il en a encore possession et qu’aucune charge ne le grève.